Incoterm DDP (Delivered Duty Paid) – Guide Complet 2025
Sommaire
- Introduction
- Principe du DDP
- Obligations du vendeur et de l’acheteur (A1–A10 / B1–B10)
- Risques liés à l’utilisation du DDP
- Erreurs fréquentes à éviter
- Bonnes pratiques pour le DDP
- Cas d’usage illustratifs
- FAQ sur le DDP
Introduction
L’Incoterm DDP – Delivered Duty Paid (appelé en français « Rendu Droits Acquittés ») est une règle Incoterms® 2020 où le vendeur prend en charge la totalité des coûts et des risques liés à l’acheminement des marchandises jusqu’au lieu de destination convenu, droits de douane d’importation et taxes compris. Autrement dit, le vendeur livre les marchandises une fois qu’elles sont mises à disposition de l’acheteur, dédouanées à l’import, sur le moyen de transport d’arrivée, prêtes à être déchargées au lieu de destination convenu. De son côté, l’acheteur n’a plus qu’à réceptionner la marchandise à destination, le vendeur s’étant occupé de tout le reste.
Le DDP est ainsi l’incoterm miroir inverse de EXW (Ex Works – À l’usine), qui lui impose le minimum d’obligations au vendeur. En DDP, le vendeur assume au contraire l’obligation maximale parmi tous les Incoterms – c’est d’ailleurs le seul Incoterm qui requiert que le vendeur réalise le dédouanement à l’importation.
Grâce à DDP, l’acheteur bénéficie d’une solution « tout compris » : il reçoit sa marchandise rendue à destination, droits acquittés, sans avoir à se charger des formalités douanières ni des risques de transport. Ce terme est fréquent dans les ventes où l’acheteur demande une livraison directement sur site avec tous frais inclus, par exemple pour simplifier l’expérience client (cas courant en commerce B2C e-commerce, où le consommateur ne veut pas de frais supplémentaires ni de douanes à gérer).
Le DDP peut s’appliquer quel que soit le mode de transport utilisé (route, air, mer, multimodal). Il fait partie des incoterms du groupe D (termes d’arrivée), aux côtés de DAP et DPU, et peut être utilisé pour des transports internationaux door-to-door.
Enjeux : Le DDP offre un maximum de confort à l’acheteur, mais il transfère en contrepartie une charge lourde sur le vendeur. Ce dernier doit non seulement organiser le transport principal jusqu’au point de livraison finale, mais aussi dédouaner la marchandise à l’export et à l’import et s’acquitter de tous les droits de douane, taxes d’importation et autres formalités dans le pays de destination. Cela représente un effort logistique, administratif et financier important pour le vendeur – ce pourquoi l’ICC souligne que DDP implique le niveau d’obligation le plus élevé de tous les Incoterms® 2020.
En somme, le vendeur supporte tous les risques jusqu’à l’arrivée effective des biens chez l’acheteur, ce qui nécessite une grande prudence lors de la négociation du DDP et une maîtrise des procédures à destination. Nous verrons plus loin en détail les risques et pièges potentiels de cet incoterm.
Avant cela, rappelons précisément le principe de fonctionnement du DDP, puis détaillons les obligations respectives du vendeur et de l’acheteur (articles A1 à A10 et B1 à B10 des Incoterms® 2020 pour DDP).
Principe du DDP
Le principe du Delivered Duty Paid est simple à énoncer : le vendeur s’engage à livrer la marchandise à l’acheteur au lieu convenu dans le pays de ce dernier, en ayant payé tous les frais de transport principal, les assurances éventuelles, ainsi que tous les droits de douane et taxes d’importation. La livraison sous DDP s’entend une fois la marchandise dédouanée à l’import (droits acquittés) et prête pour déchargement sur le moyen de transport d’arrivée au point de destination convenu. Dès que les marchandises sont ainsi mises à disposition de l’acheteur à destination, on considère que le vendeur a exécuté sa livraison et que le transfert de risques est effectué.
En DDP, le point de livraison coïncide donc avec le point d’arrivée final (contrairement à d’autres incoterms où la livraison juridique a lieu avant l’arrivée finale). Le risque de perte ou d’avarie est supporté intégralement par le vendeur jusqu’à ce point, puis bascule sur l’acheteur après la livraison effective.
Le schéma DDP implique que le vendeur prenne en charge l’organisation du transport principal jusqu’au lieu de destination nommé, à ses propres frais. Il doit donc conclure le contrat de transport ou assurer lui-même l’acheminement, y compris les éventuels pré-acheminements et post-acheminements nécessaires.
Il est vivement recommandé de spécifier clairement le lieu exact de livraison (adresse précise, point de déchargement s’il y en a un) lors de la négociation du DDP, car c’est ce lieu qui détermine où les risques et coûts passent de vendeur à acheteur. Un manque de précision pourrait engendrer des malentendus sur qui supporte un éventuel transport complémentaire.
Exemple : si le contrat indique “DDP USA” sans autre précision, le vendeur pourrait livrer au port d’entrée, alors que l’acheteur s’attendait à une livraison jusqu’à son entrepôt intérieur – entraînant des coûts supplémentaires d’acheminement.
En DDP, s’il n’y a pas de point précis convenu, le vendeur peut choisir un point approprié au lieu de destination nommé, mais il reste responsable de faire arriver la marchandise à destination conformément au contrat.
À noter : si le vendeur omet d’organiser le transport jusqu’au point final convenu, il sera en défaut vis-à-vis de son obligation DDP et devra assumer les frais supplémentaires éventuels pour amener la marchandise jusqu’à l’acheteur.
En plus du transport, le vendeur doit gérer l’intégralité des formalités douanières à l’export et à l’import. Concrètement, cela signifie qu’il doit obtenir, si nécessaire, les licences d’exportation, les autorisations de transit, les autorisations d’importation, réaliser toutes les déclarations en douane et payer les droits et taxes dus à l’exportation et à l’entrée dans le pays de l’acheteur. Le vendeur endosse ainsi le rôle d’importateur officiel dans le pays de destination, avec toutes les obligations que cela comporte.
L’acheteur est tenu de collaborer si le vendeur a besoin de documents ou d’informations de sa part pour accomplir ces formalités, mais cette assistance est à la charge du vendeur (nous y reviendrons dans les obligations B7).
Attention : L’incoterm DDP n’impose pas au vendeur de décharger la marchandise à l’arrivée (contrairement à DPU où le déchargement fait partie de la livraison). En DDP, le vendeur doit livrer prêt pour déchargement, mais le coût et l’organisation du déchargement physique incombent en principe à l’acheteur, sauf accord particulier contraire. Si le vendeur a pris en charge le déchargement dans le contrat de transport, il ne pourra pas facturer ce coût à l’acheteur en plus du prix de vente.
Enfin, il est important de souligner que le DDP, bien que très avantageux pour l’acheteur, comporte de nombreux risques pour le vendeur (coûts imprévus, imposition locale, complexité douanière, etc.). L’ICC recommande d’user de prudence avant de s’engager sur un DDP et de considérer des alternatives comme DAP ou DPU si le vendeur n’est pas en mesure de gérer efficacement l’importation dans le pays de destination.
Nous analyserons plus loin ces risques et bonnes pratiques. Commençons d’abord par détailler exhaustivement les obligations respectives du vendeur et de l’acheteur en DDP, telles que définies par les articles A1 à A10 et B1 à B10 des Incoterms® 2020.
Obligations du vendeur et de l’acheteur
Les règles Incoterms® 2020 décrivent de manière symétrique les obligations du vendeur (articles A1 à A10) et de l’acheteur (articles B1 à B10) pour chaque incoterm.
Obligations générales
Le vendeur doit fournir la marchandise et une facture commerciale conformes au contrat de vente, ainsi que toute preuve de conformité éventuellement requise. De son côté, l’acheteur doit payer le prix convenu pour la marchandise, tel que prévu au contrat de vente. (Documents en format papier ou électronique selon accord ou usage.)
Livraison / Prise de livraison
Le vendeur doit livrer la marchandise en la plaçant à la disposition de l’acheteur sur le moyen de transport d’arrivée, prête à être déchargée, au point convenu (le cas échéant) du lieu de destination nommé. La livraison doit intervenir à la date ou dans la période convenue.
L’acheteur, lui, doit prendre livraison des marchandises une fois que celles-ci ont été livrées conformément à A2, c’est-à-dire dès leur mise à disposition à destination.
Transfert des risques
Jusqu’à la livraison effectuée selon A2, le vendeur supporte tous les risques de perte ou d’endommagement des marchandises. Une fois la livraison réalisée, c’est l’acheteur qui assume les risques de perte ou dommage sur les marchandises.
Exceptions : si l’acheteur manque à ses obligations (par exemple, ne fournit pas les documents ou informations requis en B7, ou ne donne pas d’instructions de livraison en B10), alors il assume les risques additionnels occasionnés, dès la date ou fin de période convenue pour la livraison. (En d’autres termes, si le manquement de l’acheteur empêche le vendeur de livrer normalement, le risque lui est transféré malgré tout, une fois la date convenue dépassée.)
Transport (contrat de transport)
Le vendeur doit conclure le contrat de transport ou organiser l’acheminement à ses propres frais jusqu’au lieu de destination convenu (ou jusqu’au point précis convenu dans ce lieu). S’il n’a pas été précisé de point particulier dans la destination, le vendeur peut choisir le point qui lui convient le mieux dans le lieu de destination prévu, pour y livrer la marchandise.
Le vendeur doit par ailleurs respecter toute exigence de sûreté liée au transport vers la destination.
L’acheteur, de son côté, n’a aucune obligation d’organiser le transport en DDP (puisque c’est à la charge du vendeur).
Assurance
Le vendeur n’a aucune obligation de souscrire un contrat d’assurance pour le compte de l’acheteur. De même, l’acheteur n’a pas d’obligation de contracter une assurance pour le transport vis-à-vis du vendeur. Cependant, si le vendeur demande des informations pour assurer la cargaison, l’acheteur doit lui fournir celles-ci aux risques et frais du vendeur.
(En pratique, même sans obligation formelle, le vendeur a tout intérêt à assurer la marchandise, étant donné qu’il en supporte les risques jusqu’à destination.)
Documents de livraison / transport
Le vendeur doit remettre à l’acheteur, à ses frais, tout document de transport ou de livraison nécessaire pour permettre à l’acheteur de prendre possession des marchandises. Par exemple, cela peut être une lettre de transport, un connaissement, ou tout document permettant le retrait des marchandises à l’arrivée.
L’acheteur doit accepter le document ainsi fourni par le vendeur (ex. accepter le connaissement ou la lettre de transport pour récupérer la marchandise).
Formalités d’exportation / importation
Le vendeur assume toutes les obligations de dédouanement export, transit et import applicables. Il doit accomplir et payer toutes les formalités douanières d’exportation, de transit et d’importation requises par les pays concernés, notamment l’obtention des licences d’export/import, les autorisations de sécurité (sécurité export/import), les inspections avant expédition, et toute autre autorisation officielle nécessaire. Il acquitte tous les droits de douane, taxes et frais liés à ces formalités.
L’acheteur doit, si nécessaire, assister le vendeur dans l’obtention de documents ou d’informations liés à ces formalités douanières, sur demande du vendeur et aux frais/risques de ce dernier. Par exemple, l’acheteur devra fournir au vendeur tout document d’importation que seul un résident local peut obtenir, comme un numéro d’identification fiscale, une autorisation spécifique d’import, etc.
(Note : en DDP, contrairement à DAP, la responsabilité de ces formalités incombe entièrement au vendeur – l’aide de l’acheteur n’est requise qu’en soutien, si le vendeur ne peut obtenir directement certains documents.)
Contrôle, emballage, marquage
Le vendeur doit prendre à sa charge les opérations de contrôle (qualité, mesure, poids, comptage) nécessaires pour livrer les marchandises conformément à A2. Il doit également emballer et marquer la marchandise de façon appropriée pour le transport, sauf si le secteur considère habituel de transporter le type de marchandise en question en vrac ou sans emballage. Tous les frais d’emballage et de marquage normalisés sont donc pour le vendeur.
L’acheteur n’a, lui, aucune obligation particulière en matière de contrôle, emballage ou marquage vis-à-vis du vendeur (il n’a pas à payer de frais ni à réaliser ces opérations lui-même en DDP).
Répartition des coûts
En DDP, la répartition des frais est clairement en défaveur du vendeur.
Le vendeur doit payer :
- (a) tous les coûts relatifs aux marchandises jusqu’à leur livraison conformément à A2 (y compris le transport principal jusqu’au lieu de destination, les frais de transit éventuel, etc.),
- (b) les frais de déchargement au lieu de destination si ces frais étaient à sa charge selon le contrat de transport,
- (c) le coût de fourniture du document de livraison/transport prévu en A6,
- (d) le paiement de tous les droits, taxes et autres frais liés aux formalités d’export, de transit et d’import (article A7),
- (e) le remboursement à l’acheteur de tous coûts et charges liés à l’assistance apportée par celui-ci pour obtenir documents/informations selon B5/B7.
L’acheteur, de son côté, doit payer :
- (a) tous les coûts à partir du moment où les marchandises ont été livrées (c’est-à-dire après le point de livraison A2),
- (b) tous les coûts de déchargement nécessaires pour prendre livraison au lieu de destination sauf si ces coûts ont été assumés par le vendeur dans le contrat de transport,
- (c) tous coûts supplémentaires occasionnés si l’acheteur manque à ses obligations de B7 ou omet de donner avis B10 en temps voulu – pour autant que la marchandise ait été identifiée comme étant celle du contrat.
Résumé : le vendeur paie tout jusqu’à destination, droits de douane inclus, l’acheteur paie ce qui se passe après la livraison (typiquement le déchargement final et les frais postérieurs).
Avis (notifications)
Le vendeur doit donner à l’acheteur tout avis ou notification nécessaire pour permettre à ce dernier de recevoir la marchandise. Par exemple, informer l’acheteur de l’expédition, de la date ou de l’heure d’arrivée prévue, afin qu’il puisse se préparer à la réception.
De son côté, l’acheteur doit, dès qu’il a le droit de choisir une date dans une période convenue et/ou de spécifier un point de prise de livraison à l’intérieur du lieu de destination, notifier suffisamment à l’avance le vendeur de ces choix. En d’autres termes, si le contrat DDP prévoit que l’acheteur fixera ultérieurement la date de livraison ou désignera le point précis de livraison, l’acheteur doit en avertir le vendeur en temps utile. Sans cet avis, le vendeur ne peut être tenu responsable des conséquences d’un manque d’instruction.
Comme on le voit, les obligations du vendeur en DDP sont particulièrement étendues. Le vendeur assume pratiquement toutes les charges logistiques, douanières et financières jusqu’à l’arrivée chez l’acheteur, alors que l’acheteur a un rôle très passif (payer le prix et coopérer si besoin). Cette configuration « tout compris » comporte des risques importants pour le vendeur, que nous allons analyser dans la section suivante.
Risques liés à l’utilisation du DDP
Bien que très pratique pour l’acheteur, l’Incoterm DDP peut engendrer de nombreux risques et coûts cachés pour le vendeur, voire pour l’acheteur dans certains cas particuliers. Voici les principaux risques à considérer avant d’opter pour DDP :
Risques fiscaux (TVA, droits de douane)
En DDP, le vendeur prend en charge les droits de douane et la TVA due à l’importation dans le pays de l’acheteur.
- Ces montants peuvent être significatifs : dans l’UE, la TVA atteint souvent ≈ 20 % de la valeur CAF, auxquels s’ajoutent les droits de douane calculés selon la nomenclature tarifaire et l’origine des marchandises.
- Sans aménagement particulier, un vendeur étranger ne récupère généralement pas la TVA payée à l’import, alors qu’un acheteur local la déduirait en crédit de TVA.
L’autoliquidation de la TVA à l’import dans l’UE : une atténuation possible
Depuis le 1ᵉʳ janvier 2022, la France applique l’autoliquidation systématique de la TVA à l’import : toute entreprise identifiée à la TVA française déclare la taxe sur sa déclaration périodique, sans paiement aux douanes. D’autres États membres proposent des dispositifs équivalents (licence ET 14 000 en Belgique, article 23 aux Pays-Bas, etc.).
À retenir : pour bénéficier de l’autoliquidation, le vendeur étranger doit être immatriculé à la TVA dans l’État membre d’importation (ou mandater un représentant fiscal). Sans numéro de TVA local, la TVA reste exigible en numéraire.
« ⚠️ Selon le pays de destination et la nature du flux (B2B vs B2C, valeur < 150 €, entrepôt intermédiaire), des autorisations ou régimes TVA complémentaires (licence ET 14 000, article 23, IOSS, call-off stock…) peuvent être requis. »
Exemple comparatif
| Scénario | TVA à l’import | Impact pour le vendeur | | --------------------------------------------- | ----------------------------------------------------------- | ---------------------- | | Sans immatriculation / sans autoliquidation | 20 000 € payés aux douanes → coût net non récupérable | –20 000 € sur la marge | | Avec immatriculation TVA FR + autoliquidation | TVA déclarée puis déduite → aucune avance de trésorerie | 0 € de coût net |
L’autoliquidation supprime donc le risque de TVA « perdue », mais transfère au vendeur une charge administrative (déclarations locales, représentation fiscale, tenue de comptes).
Points de vigilance malgré l’autoliquidation
- Immatriculation locale obligatoire : numéro de TVA national + mention correcte sur la déclaration en douane.
- Conformité douanière stricte : une erreur de code NC ou d’origine peut annuler le bénéfice de l’autoliquidation.
- Plafonds/licences spécifiques : en Belgique, la licence ET 14 000 exige des garanties financières ; aux Pays-Bas, l’autorisation « Article 23 » impose des critères de solvabilité.
- TVA hors UE : UK, CH, NO, etc. ➜ TVA toujours payée comptant par le vendeur.
- Autres taxes locales : octroi de mer, accises, antidumping, écotaxes… à budgéter et intégrer au prix DDP.
Astuce : si l’immatriculation n’est pas souhaitable, envisagez
- un DDP “droits payés, TVA à charge acheteur” (variante contractuelle), ou
- un DAP/DPU où l’acheteur devient importateur officiel et autoliquide la TVA lui-même.
Risques douaniers et compliance à l’import
Même avec l’autoliquidation, le vendeur DDP demeure l’importateur officiel : il répond de la conformité douanière (codes tarifaires, licences, contrôles réglementaires).
Aux USA, un vendeur étranger doit se faire enregistrer comme Importer of Record, obtenir un Customs Bond et remplir le formulaire 5106 ; ces démarches prennent du temps, coûtent de la trésorerie et exposent à des contrôles accrus.
En choisissant DDP, le vendeur s’engage sur un terrain souvent inconnu pour lui : la réglementation douanière du pays de l’acheteur. Il doit s’assurer de respecter toutes les exigences d’importation du pays (normes, contrôles sanitaires/phytosanitaires, quotas, etc.) et tenir les registres douaniers requis en cas d’audit des autorités locales.
Si le vendeur n’est pas familier avec ces règles (par ex. normes FDA aux USA, marquage spécifique, interdictions d’import de certains produits), il court le risque de non-conformité douanière, avec à la clé potentiellement des amendes ou des blocages de marchandises en douane.
De plus, certains pays exigent qu’un importateur soit établi localement. Le vendeur devra alors désigner un représentant local ou un agent en douane pour agir en son nom. Aux États-Unis par exemple, un vendeur étranger DDP doit se faire enregistrer comme Importer of Record (IOR) et obtenir une caution douanière (customs bond) via un transitaire ou un assureur. Il peut aussi devoir obtenir un numéro d’identification fiscale US (EIN) pour les formalités, ce qui nécessite la coopération de l’acheteur ou d’un agent. Ces démarches administratives représentent un coût et une complexité supplémentaires.
En résumé, le vendeur s’expose à un environnement douanier étranger avec ses écueils : il doit soit avoir une expertise interne, soit mandater un prestataire compétent, ce qui entame la rentabilité de la vente.
Risques liés au transport et à la livraison
Le vendeur étant responsable du transport jusqu’à destination finale, il assume les aléas logistiques du parcours complet. D’une part, cela signifie que tous les retards de livraison impacteront le vendeur : si un camion est retardé, si un navire prend du retard, c’est contractuellement le problème du vendeur (qui pourrait devoir indemniser l’acheteur en cas de délai critique).
D’autre part, pour contenir ses coûts, un vendeur pourrait être tenté de choisir des options de transport ou de dédouanement moins onéreuses mais plus lentes ou moins fiables. Cela peut entraîner des délais de livraison plus longs pour l’acheteur. Par exemple, un vendeur DDP pourrait opter pour un transport maritime économique plutôt qu’un aérien rapide afin d’économiser, ou choisir un transitaire bon marché peu réactif en douane. L’acheteur subit alors potentiellement un service dégradé (livraison tardive, suivi approximatif), ce qui peut lui poser problème – bien qu’il n’en supporte pas directement le coût, son activité peut être retardée. Il y a donc un risque de conflit commercial si le niveau de service n’est pas aligné avec les attentes de l’acheteur.
Autre point : en DDP, le vendeur doit généralement organiser le transport sur le dernier kilomètre jusqu’au site de l’acheteur (par exemple une livraison sur chantier, avec peut-être des contraintes d’accès, des horaires spécifiques, etc.). S’il néglige de bien se coordonner, cela peut engendrer des frais d’attente ou de re-livraison (ex : camion arrivé en dehors des heures de réception, donc reprogrammation à la charge du vendeur).
Risques d’assurance et de dommages
Étant donné que l’incoterm DDP n’oblige pas la souscription d’une assurance transport ni par le vendeur ni par l’acheteur, il y a un risque que la marchandise voyage non assurée si le vendeur n’a pas pris cette initiative. Or, le vendeur porte le risque de perte jusqu’à destination – s’il n’a pas assuré et qu’un sinistre survient (vol, casse, avarie maritime…), il devra en absorber le coût intégralement.
Même s’il dispose d’une assurance, il doit faire attention aux clauses : en tant qu’assuré, c’est à lui de monter le dossier de réclamation en cas de dommage pendant le transport. L’acheteur, de son côté, pourrait se retrouver sans recours direct si la marchandise arrive endommagée, car c’est le vendeur qui était responsable en transit. Bien sûr, l’acheteur pourra refuser la marchandise abîmée, mais cela retarde son approvisionnement.
En résumé, ne pas assurer la cargaison en DDP est une erreur grave, car le vendeur s’expose à des pertes financières importantes en cas d’incident. L’ICC recommande d’ailleurs que le vendeur envisage sérieusement de s’assurer pour les incoterms du groupe D (DAP, DPU, DDP), puisqu’il y supporte les risques du transport principal.
Risques de retards et coûts imprévus
Le scénario DDP multiplie les étapes où des coûts additionnels peuvent survenir inopinément, à la charge du vendeur. En matière de dédouanement import, il peut y avoir des contrôles douaniers approfondis imprévus (inspection physique, examens par scanner, contrôle sanitaire). Si cela arrive, des frais de stockage, de surestarie (demurrage) ou de détention de conteneur peuvent s’appliquer pendant l’attente.
Par exemple, un conteneur retenu 10 jours en douane engendrera des frais de stationnement que le vendeur DDP devra payer. Aux États-Unis en particulier, les autorités douanières attribuent un score de risque plus élevé aux envois importés par un importateur étranger, et ces envois ont plus de chances d’être sélectionnés pour inspection. Cela peut provoquer des délais de livraison supplémentaires et des coûts de contrôle (les frais d’examen douanier aux USA peuvent être facturés).
Autre coût imprévu possible : si l’acheteur ne facilite pas l’importation (refus de fournir son numéro d’identification fiscale, par exemple), le vendeur devra trouver des solutions alternatives (utiliser un entrepôt tiers comme destinataire nominal, etc.), ce qui peut occasionner des frais administratifs en plus.
Enfin, n’oublions pas les risques de change : le vendeur payant des coûts dans la devise du pays de destination (droits de douane, TVA locale, frais locaux), il est exposé à une fluctuation monétaire entre le moment où il fixe son prix DDP et celui où il règle ces dépenses. Une variation défavorable du taux de change peut réduire sa marge.
En synthèse, le DDP fait peser sur le vendeur la plupart des risques liés au commerce international : risque fiscal, risque douanier, risque de transport, risque de coûts supplémentaires imprévus. Cela ne signifie pas qu’il faille bannir le DDP, mais qu’il doit être utilisé en pleine conscience de ces risques, avec des mesures de prévention appropriées (assurance, provisions pour frais, expertise douanière, etc.).
La section suivante couvre justement les erreurs à éviter et les bonnes pratiques pour sécuriser l’usage du DDP.
Erreurs fréquentes à éviter
Voici quelques erreurs communes commises par les entreprises lors de la mise en place d’un DDP, qu’il convient d’éviter rigoureusement :
Sous-estimer les coûts d’importation
Un vendeur peut être tenté de proposer un prix DDP attractif pour remporter un contrat, sans bien calculer tous les coûts d’importation (droits de douane, taxes, frais de dossier douane, etc.). C’est une erreur classique. Il ne faut jamais présumer que ces coûts seront négligeables.
Solution : toujours effectuer une estimation précise des droits et taxes dans le pays de l’acheteur avant de s’engager, en vérifiant la classification douanière et les accords commerciaux applicables. Intégrer une marge de sécurité pour les frais imprévus (entreposage, contrôles, variations tarifaires) est également prudent.
Ignorer les contraintes douanières locales
Vendre en DDP sans connaître la réglementation import du pays destinataire est risqué. Par exemple, certains produits peuvent nécessiter des certificats spécifiques (phytosanitaires, homologation technique…), ou certains pays peuvent exiger une registration locale de l’importateur. Ne pas s’informer en amont peut conduire à des blocages en douane.
Erreur fréquente : découvrir après coup qu’il fallait un permis d’import que seul un résident peut obtenir.
À éviter : ne jamais supposer que les formalités d’importation sont identiques à celles de votre pays. Faites appel à un transitaire local ou consultez les ressources officielles du pays cible pour connaître les obligations avant d’expédier.
Mal définir le lieu de livraison DDP
Une erreur de rédaction courante est de mentionner “DDP [pays]” sans préciser le lieu exact. Or, comme vu précédemment, le lieu exact de destination est crucial. S’il est flou, cela peut entraîner des désaccords sur jusqu’où le vendeur doit livrer.
Exemple : “DDP Incoterms 2020, port de Los Angeles” n’est pas clair : s’agit-il du terminal portuaire (ce qui ressemble à un DPU) ou de l’adresse finale de l’acheteur à Los Angeles ?
Bonne pratique : indiquer un lieu précis : “DDP Entrepôt XYZ, 125 Rue ABC, Los Angeles, Incoterms® 2020”. Ne pas le faire est une erreur qui peut coûter cher en frais supplémentaires ou litiges.
Confondre DDP avec d’autres termes sur le déchargement
Certains pensent à tort que DDP inclut la livraison “sur site, déchargé” automatiquement. Cela mène des vendeurs à prendre en charge des tâches non requises (ex : mobilisation d’une grue chez l’acheteur) ou des acheteurs à être surpris de devoir décharger eux-mêmes.
Comme souligné, DDP n’inclut pas le déchargement par défaut – le confondre avec DPU (Delivered at Place Unloaded) est une erreur fréquente.
À éviter : Ne pas clarifier ce point.
Solution : si l’acheteur exige le déchargement par le vendeur, utilisez DPU ou ajoutez explicitement “déchargé” dans le contrat avec les modalités correspondantes.
Négliger l’assurance transport
Parce que l’incoterm n’impose pas d’assurance, beaucoup de vendeurs DDP ne s’en soucient pas, ou pensent que le transporteur couvrira les dommages. Grossière erreur !
Sans assurance cargo, le vendeur est potentiellement ruiné en cas de sinistre majeur pendant le transport (accident de camion, conteneur tombé à la mer…). Même la responsabilité du transporteur est souvent limitée par les conventions (CMR, Hague-Visby…), bien en deçà de la valeur de la marchandise.
À éviter absolument : expédier en DDP sans assurance tous risques appropriée couvrant le trajet complet.
Choisir DDP sans pouvoir assurer l’importation locale
Parfois, par excès d’enthousiasme commercial, un vendeur accepte un DDP vers un pays où il n’a aucune structure ni connaissance (par ex. un fabricant accepte un DDP en Amérique du Sud sans expérience locale). Résultat : il se retrouve bloqué à l’import, devant mandater en urgence un représentant, ou dépendant de son client pour des documents. Ceci annule le bénéfice du DDP et cause des tensions.
Erreur à éviter : s’engager en DDP dans un pays sans s’être assuré préalablement d’avoir les moyens logistiques et administratifs d’y dédouaner la marchandise. Dans le doute, mieux vaut proposer DAP ou DPU – l’ICC elle-même suggère d’opter pour DAP/DPU si le vendeur n’est pas en mesure d’assumer les formalités d’importation.
Manquer de transparence sur la prestation DDP
Un vendeur peut parfois négliger de communiquer clairement avec l’acheteur sur ce qui est inclus. Par exemple, ne pas préciser que telle taxe locale imprévue est toutefois exclue, ou que les délais de livraison peuvent varier. Cela crée des incompréhensions.
De même, un acheteur peut commettre l’erreur de penser que DDP couvre tous les aspects imaginables (ex : installation de la machine chez lui, formation… qui ne relèvent pas de l’incoterm).
Bonne pratique : bien cadrer par écrit la portée de la livraison DDP et ce qui se passe une fois livrée (qui décharge, etc.), pour éviter toute supposition erronée.
En évitant ces pièges courants, on sécurise déjà une bonne partie de l’opération en DDP. À présent, intéressons-nous aux bonnes pratiques pour tirer le meilleur parti de cet Incoterm tout en maîtrisant les risques.
Bonnes pratiques pour le DDP
Pour réussir vos transactions en DDP en minimisant les difficultés, voici quelques conseils et bonnes pratiques éprouvés par les ETI et grands comptes qui utilisent ce terme :
Analyser en amont le pays de destination
Avant de proposer un DDP vers un pays, faites une étude préalable : quelles sont les exigences d’import (droits de douane, restrictions, licences) ? Le pays est-il facile en douane ou très tatillon ? Avez-vous besoin d’un représentant fiscal ou douanier local ?
Une telle analyse vous permettra de décider si DDP est faisable et à quel coût. N’hésitez pas à consulter des spécialistes locaux (transitaires, avocats en commerce international) pour connaître les écueils potentiels. Mieux vaut découvrir les contraintes avant de fixer le prix et les délais, plutôt que d’avoir des surprises en cours d’exécution.
Calculer rigoureusement tous les coûts et intégrer une marge
En DDP, le vendeur doit intégrer dans son prix de vente tous les coûts qu’il supportera jusqu’à destination.
Utilisez un modèle de calcul englobant : fret principal, assurance, frais de dédouanement export et import, droits de douane, TVA d’import (si non récupérable), transport final, éventuelles taxes locales, etc.
Ajoutez une marge pour imprévus (quelques pourcents du total) afin de couvrir des variations ou surcoûts non anticipés. Cette marge de sécurité vous évitera de vendre à perte si un incident survient.
Astuce : discutez avec votre transitaire d’une option de contrat DDP “clé en main” où il vous donne un tarif couvrant l’acheminement et le dédouanement import – vous aurez ainsi un coût fixe garanti à intégrer.
Soigner le choix des partenaires logistiques
En DDP, vous dépendez fortement de vos prestataires de transport et de dédouanement. Choisissez des partenaires fiables et expérimentés dans le pays de destination. Un bon transitaire en douane local vaut de l’or : il saura éviter les erreurs de déclaration, anticiper les documents requis et régler rapidement les éventuels blocages.
De même, sélectionnez des transporteurs reconnus, même s’ils sont un peu plus chers – votre réputation auprès de l’acheteur repose sur la bonne fin de la livraison.
N’hésitez pas à contractualiser des niveaux de service (SLA) avec vos prestataires, incluant la gestion des imprévus (ex : qui prend en charge les frais de magasinage si contrôle douane prolongé, etc.).
Communiquer et formaliser clairement avec l’acheteur
Même si DDP signifie que théoriquement l’acheteur n’a rien à faire, gardez-le informé et impliqué : confirmez-lui la date d’arrivée prévue, demandez-lui de valider le point de livraison exact, vérifiez s’il y a des contraintes sur site (horaires, accès) afin d’organiser la livraison finale en conséquence.
Obtenez également de l’acheteur les informations nécessaires (par ex. son numéro d’identification fiscale si requis pour la douane, coordonnées de la personne qui réceptionnera…). Toutes ces communications doivent idéalement être écrites.
Dans le contrat de vente ou la commande, insérez la mention exacte de l’incoterm « DDP [lieu de destination convenu] Incoterms® 2020 » pour éviter toute ambiguïté juridique. Précisez-y éventuellement des clauses additionnelles si besoin (par exemple “déchargement pris en charge par le vendeur” si vous vous engagez à le faire, ou “hors TVA” si vous avez convenu que l’acheteur s’en acquittera malgré le DDP, etc. – dans ce cas on s’écarte techniquement du DDP standard, mais il est possible de le modifier par accord mutuel).
Assurer la marchandise jusqu’au bout
C’est le vendeur qui a intérêt à assurer en DDP (puisque c’est lui qui subit le risque pendant le transport).
Contractez une assurance cargo door-to-door pour la valeur totale de la marchandise + 10 % (usuellement) couvrant les risques de transport jusqu’au lieu de destination.
Indiquez à votre assureur que vous vendez en DDP et précisez le trajet exact et les éventuelles étapes (entreposage provisoire, etc.).
Ainsi, même en cas de gros sinistre, vous serez indemnisé et pourrez honorer vos obligations envers l’acheteur (en renvoyant de nouvelles marchandises par exemple).
Astuce : vous pouvez inclure le coût de cette assurance dans votre calcul de prix DDP. Au besoin, expliquez à l’acheteur que cette assurance garantit une livraison sûre de son côté aussi.
Évaluer l’option DAP/DPU lorsque pertinent
Comme déjà mentionné, si certains risques DDP paraissent trop lourds, il peut être judicieux de proposer plutôt un DAP (Delivered At Place) ou DPU (Delivered at Place Unloaded). Ces incoterms impliquent que le vendeur livre jusqu’au lieu de destination mais sans dédouaner à l’import.
L’acheteur se charge alors du dédouanement import et paie les droits et taxes à l’arrivée. Cela peut simplifier les choses pour le vendeur tout en offrant à l’acheteur une livraison jusqu’à son site. Par exemple, si votre client dispose d’une structure import bien rodée (service douane interne), il pourrait préférer DAP : il paiera les droits lui-même, peut-être même récupérera la TVA, tandis que vous évitez d’entrer en territoire inconnu.
Bonnes pratiques : Discutez ouvertement avec votre client des modalités. Parfois, un acheteur demande DDP sans réaliser les complications pour vous – en lui expliquant, vous pouvez convenir d’un DAP + compensation si nécessaire. L’essentiel est de choisir le terme qui maximise l’efficacité globale et minimise les risques pour les deux parties.
Planifier la gestion du dernier kilomètre
Livrer en DDP signifie souvent organiser un transport local final dans le pays de destination (par ex. envoi depuis le port/aéroport jusqu’à l’entrepôt de l’acheteur).
Renseignez-vous sur les spécificités locales : conditions routières, formalités de transport intérieur s’il y en a (p. ex. nécessité d’un connaissement interne, péages, etc.).
Choisissez un transporteur local fiable.
Coordonnez en amont avec l’acheteur sur les modalités pratiques : qui contacter à l’arrivée, besoin d’un chariot élévateur sur place, créneau horaire de livraison, etc.
Cette planification évitera les temps morts et les coûts d’attente.
En suivant ces bonnes pratiques, le recours au DDP peut se faire de manière beaucoup plus sécurisée et prévisible.
Pour illustrer concrètement certains points, examinons maintenant quelques cas d’usage du DDP, y compris un cas récent impliquant les États-Unis.
Cas d’usage illustratifs
Pour mieux comprendre l’application du DDP et ses implications, voici deux exemples concrets inspirés de situations réelles, l’un du point de vue d’un vendeur américain et l’autre d’un vendeur européen, impliquant les États-Unis dans la chaîne logistique :
Cas 1 – Un exportateur américain vend en DDP en Europe
La société américaine AlphaTools (basée en Ohio) conclut la vente de machines-outils à un client industriel en Allemagne pour un montant de 500 000 € DDP usine du client, Allemagne.
N’ayant pas d’entité en Europe, AlphaTools s’appuie sur un transitaire pour gérer le transport maritime et le dédouanement en Allemagne.
Déroulement :
AlphaTools expédie les machines par conteneur jusqu’au port de Hambourg, puis par camion jusqu’à l’usine du client à Munich.
Le transitaire effectue le dédouanement à l’import en Allemagne au nom d’AlphaTools, qui est listé comme importateur.
Coûts et surprises :
AlphaTools a dû payer environ 4 % de droits de douane à l’entrée (code machines-outils) ainsi que la TVA allemande de 19 % (~95 000 €). Ne pouvant récupérer cette TVA, c’est un coût net pour AlphaTools, tandis que son client allemand pourra la récupérer de son côté – situation paradoxale où l’acheteur bénéficiera du crédit de taxe alors qu’il n’a rien avancé.
AlphaTools a heureusement anticipé ce coût dans son prix de vente.
En revanche, lors du contrôle douanier, une inspection aléatoire a eu lieu à Hambourg, entraînant 3 jours de retard et 800 € de frais de stockage portuaire.
Grâce à DDP, le client n’a pas eu à payer ces frais ni à s’occuper de rien – mais AlphaTools a vu sa marge légèrement rogner.
Enseignement :
Ce cas montre qu’un vendeur américain peut réussir un DDP en Europe en s’organisant bien, mais qu’il doit prévoir le poids des taxes (TVA non récupérable) et l’aléa des contrôles.
AlphaTools a depuis décidé d’ouvrir une petite filiale en Europe pour pouvoir importer en son nom et éviter de subir le coût de la TVA non récupérable à l’avenir.
Cas 2 – Un exportateur européen livre en DDP aux États-Unis
La PME française BioFrance vend des compléments alimentaires à un distributeur aux USA pour 50 000 $ DDP entrepôt du distributeur, USA. Les produits sont sensibles (contrôle FDA) mais la concurrence impose d’offrir une solution tout compris au distributeur américain.
Organisation :
BioFrance affrète un envoi aérien Paris–Chicago.
Elle mandate un broker en douane américain qui la représente.
Importation aux USA :
BioFrance est listée comme Importer of Record sur l’entrée en douane américaine.
Le broker a dû obtenir pour BioFrance une caution douanière (customs bond) et utiliser le numéro IRS/EIN du distributeur (avec son accord) comme Ultimate Consignee.
Tout se passe bien sauf qu’à l’arrivée, les douaniers US retiennent le lot pour un examen FDA (Food & Drug Administration) du fait qu’un importateur étranger est impliqué – ce qui n’est pas rare car les shipments avec importateur non-résident sont souvent jugés plus risqués.
Conséquences :
1 semaine de délai supplémentaire, marchandises immobilisées et frais d’entrepôt sous douane de 500 $.
Le distributeur américain, bien qu’agacé du délai, n’a rien eu à débourser ni faire.
BioFrance a tout pris en charge, conformément au DDP.
Après vérification, la marchandise a été livrée chez le distributeur, prête à être stockée.
Enseignement :
Pour le vendeur européen, ce DDP aux USA a impliqué une paperasse administrative importante et des frais inattendus.
BioFrance a retenu qu’il est crucial d’avoir un agent douane compétent et de prévoir du temps pour les éventuels contrôles.
Elle a également revu son contrat avec le distributeur pour allonger le délai de livraison DDP prévu (afin d’inclure une éventuelle inspection) et prévoir une clause de révision de prix si des frais exceptionnels devaient survenir en douane.
Ces exemples illustrent que le DDP, s’il permet une livraison « sans souci » pour l’acheteur, nécessite du côté vendeur une excellente préparation et une gestion rigoureuse des opérations. Le cas 1 souligne le poids de la TVA en Europe pour un vendeur étranger, le cas 2 met en avant les complexités douanières américaines pour un exportateur européen. Dans les deux cas, la communication avec le client et le recours à des experts locaux ont été déterminants pour mener l’opération à bien.
FAQ sur le DDP
Pour finir, voici une foire aux questions regroupant les interrogations les plus fréquentes sur l’incoterm DDP, afin de dissiper tout doute :
Q1. Quelle est la différence entre DDP et DAP ?
R :
DAP (Delivered At Place) et DDP (Delivered Duty Paid) sont deux Incoterms du groupe D où la livraison a lieu au pays de destination, mais la différence majeure porte sur les droits et taxes d’importation.
En DAP, le vendeur livre la marchandise chez l’acheteur non dédouanée à l’import – c’est donc l’acheteur qui accomplit les formalités d’importation et paie les droits de douane/taxes dans son pays.
En DDP, au contraire, le vendeur livre la marchandise dédouanée, droits acquittés. Le vendeur prend en charge le paiement des droits et taxes d’import, et réalise les formalités douanières import lui-même.
En résumé :
DDP = DAP + dédouanement import et paiement des droits par le vendeur. Pour le reste, les deux incoterms sont similaires (point de livraison final, risques jusqu’à destination supportés par le vendeur).
DDP impose donc plus d’obligations au vendeur que DAP.
Q2. Le DDP inclut-il la TVA et les droits de douane du pays de destination ?
R :
Oui. Par définition, Delivered Duty Paid signifie “rendu droits acquittés” – cela inclut tous les droits de douane à l’importation et taxes d’entrée dans le pays de destination.
Le vendeur doit régler ces montants et les intégrer dans son prix de vente. Cela comprend la TVA à l’import s’il y en a une, les accises éventuelles, et tout autre prélèvement officiel à l’importation.
L’acheteur ne devrait avoir aucun paiement supplémentaire à effectuer à réception.
Attention toutefois : la TVA payée par le vendeur à l’import n’est généralement pas récupérable par celui-ci (sauf s’il a une entité locale la déclarant), donc c’est un coût final pour le vendeur.
Il est possible contractuellement de convenir d’exclure la TVA du DDP (par exemple “DDP droits de douane payés, taxes non payées” comme cela se pratique parfois), mais ce n’est plus un DDP pur dans ce cas – c’est une variante à négocier clairement si besoin.
En standard, DDP = droits et taxes payés par le vendeur.
Q3. Qui est responsable du dédouanement à l’importation en DDP (qui est l’« importateur officiel ») ?
R :
C’est le vendeur (ou son représentant) qui agit en tant qu’importateur officiel dans le pays de destination sous un contrat DDP.
Le vendeur doit accomplir les formalités d’import en son nom, ou au nom d’une entité qu’il mandate. Il est responsable vis-à-vis des douanes du paiement des droits et de la conformité de la déclaration.
L’acheteur peut être sollicité pour fournir des informations ou documents (voir obligations B7), mais il ne réalise pas lui-même le dédouanement.
Concrètement, souvent le vendeur étranger désigne un commissionnaire en douane local pour effectuer la déclaration import.
Par exemple, aux USA, un exportateur étranger devra obtenir une caution douanière et souvent collaborer avec son client pour utiliser son identifiant fiscal comme ultimate consignee. Mais juridiquement, le vendeur reste la partie responsable du processus vis-à-vis des autorités.
Q4. Le DDP couvre-t-il le déchargement de la marchandise chez l’acheteur ?
R :
Non, pas par défaut. L’Incoterm DDP stipule une marchandise livrée “prête pour déchargement” à destination, ce qui implique que le déchargement final n’est pas inclus dans l’obligation du vendeur.
Le vendeur organise et paie le transport jusqu’au lieu convenu, mais c’est normalement à l’acheteur d’assurer le déchargement à partir du véhicule arrivé (et d’en supporter le coût).
La seule exception, c’est si le contrat de transport conclu par le vendeur incluait le déchargement – dans ce cas, le vendeur paye ce coût dans le fret, et ne peut pas le refacturer séparément à l’acheteur.
Mais en l’absence de précision, DDP = livraison non déchargée (contrairement à DPU où le vendeur doit aussi décharger).
Si un acheteur souhaite que le vendeur prenne en charge le déchargement, il doit le stipuler explicitement (par ex. choisir DPU ou ajouter “y compris déchargement” dans le contrat).
Q5. Le vendeur doit-il souscrire une assurance transport en DDP ?
R :
L’Incoterm DDP n’oblige pas formellement à souscrire une assurance transport, ni pour le vendeur ni pour l’acheteur. Cependant, il est fortement recommandé que le vendeur assure la marchandise, car c’est lui qui supporte le risque de perte/dommage jusqu’à la livraison finale.
En cas d’incident en transit, sans assurance, le vendeur devrait indemniser l’acheteur ou réexpédier de la marchandise à ses frais, ce qui pourrait être catastrophique financièrement.
Donc, même si ce n’est pas une obligation Incoterms, la bonne pratique pour un vendeur DDP est de prendre une assurance cargo couvrant le trajet complet jusqu’à destination. À noter que l’acheteur, lui, n’a pas besoin d’assurer pendant le transport principal puisque le risque ne lui appartient pas encore – il pourrait en revanche assurer sa marchandise après livraison, pour son stockage et usage, comme toute marchandise acquise.
Q6. Dans quelles situations DDP est-il déconseillé ?
R :
DDP est déconseillé lorsque le vendeur n’a pas la capacité de gérer correctement l’importation dans le pays de destination.
Par exemple, si le pays de l’acheteur a des procédures complexes ou requiert la présence d’une entité locale et que le vendeur n’en a pas, DDP sera très compliqué.
Il est aussi déconseillé si les droits de douane sont très élevés ou incertains, car le risque financier pour le vendeur devient important. De même, pour des ventes de faible montant à des clients multiples (e-commerce international par exemple), DDP peut être lourd administrativement (chaque petit envoi devant être dédouané individuellement par le vendeur). Dans ce dernier cas, faire appel à des prestataires spécialisés en livraison duties paid peut aider, ou bien opter pour des solutions où l’acheteur paye ses droits (livraison DAP + prepayment des droits).
En résumé, si le vendeur n’est pas à l’aise avec les obligations supplémentaires (dédouanement import, fiscalité locale, etc.), il vaut mieux choisir DAP ou DPU.
L’ICC elle-même suggère de choisir DAP/DPU à la place de DDP si le vendeur risque d’être incapable d’obtenir le dédouanement import ou de payer certaines taxes récupérables.
Q7. Comment formaliser correctement un Incoterm DDP dans un contrat ou une facture ?
R :
Il est crucial de mentionner de façon précise et complète l’incoterm DDP dans le contrat de vente et sur les documents commerciaux (facture pro forma, facture finale, LC, etc.).
La formulation recommandée est :
DDP [lieu de destination convenu] Incoterms® 2020.
Exemple :
« DDP Entrepôt du client, 10 rue X, 75015 Paris, Incoterms® 2020 »
L’indication du lieu exact de destination est indispensable.
Ajoutez toute précision utile si des aménagements ont été convenus (par ex. “déchargement inclus” ou autre, bien que cela modifie l’esprit du DDP).
Sur la facture commerciale, la mention DDP informe les douanes du pays importateur que le prix inclut les droits et taxes – certaines douanes pourraient d’ailleurs recalculer la valeur statistique hors droits, mais en tout cas, indiquez-le.
Si vous utilisez une lettre de crédit (crédit documentaire), veillez à ce que les termes correspondent exactement (le lieu de destination dans la L/C doit être le même que dans l’incoterm DDP convenu).
Une erreur fréquente est d’oublier d’indiquer la version (2020) des Incoterms®, ce qui peut créer des ambiguïtés si une ancienne version s’appliquait différemment.
Donc n’oubliez pas le label Incoterms® 2020 dans la référence.
Q8. En cas de dommage ou de perte de la marchandise en cours de transport, qui supporte le risque en DDP ?
R :
En DDP, le vendeur supporte le risque jusqu’à ce que la marchandise soit effectivement livrée à l’acheteur au lieu convenu.
Donc si un incident survient pendant le transport (avant la livraison finale), c’est au vendeur de supporter les conséquences financières.
Par exemple, si la marchandise est endommagée pendant le fret maritime, le vendeur doit soit remplacer la marchandise à ses frais, soit indemniser l’acheteur – l’acheteur n’ayant pas encore pris livraison, il n’a pas à payer pour un produit détruit en route.
C’est pourquoi il est essentiel que le vendeur s’assure (voir Q5).
Une fois la marchandise livrée et déchargée chez l’acheteur, le risque lui est transféré : tout dommage postérieur (stockage chez l’acheteur, utilisation) n’est plus du ressort du vendeur.
À noter que si l’acheteur ne coopère pas ou retarde la réception, il peut y avoir des nuances (voir A3/B3 sur les exceptions de transfert de risques en cas de manquement de l’acheteur).
Mais en situation normale, un dommage survenu avant la remise au site d’arrivée = responsabilité du vendeur.
En conclusion, l’Incoterm DDP est un excellent outil pour proposer à un client une solution “sans souci” où il reçoit la marchandise prête à l’emploi, tous frais payés. Cependant, il transfère une charge et des risques maximums sur le vendeur. Une utilisation judicieuse du DDP nécessite donc préparation, calcul précis des coûts, et souvent l’appui de partenaires compétents pour le transport et les douanes.
En suivant les recommandations et en étant conscient des obligations (grâce notamment aux règles officielles de l’ICC dont nous avons repris le détail A1–B10), vendeurs et acheteurs – qu’ils soient ETI ou grands comptes – peuvent profiter des avantages du DDP tout en minimisant les mauvaises surprises.
Comme toujours en commerce international, la clé est dans l’anticipation et la transparence entre les parties sur les responsabilités de chacun.